L’empire « woke » contre-attaque

2024-11-25

Maintenant que la faillite intellectuelle de la post-gauche devient évidente, les partisans de celle-ci essaient, sans succès, de justifier leurs dogmes.

Summary in English Now that the intellectual bankruptcy of the post-left is becoming obvious, its supporters are trying, without success, to justify their dogmas.

Maintenant que la faillite intellectuelle et morale du soi-disant « wokisme » (je préfère les appellations post-gauche ou pseudo-gauche anti-Lumières) devient de plus en plus évidente et fréquemment dénoncée, les partisans de ce ramassis d’idéologies douteuses contre-attaquent dans l’espoir de maintenir leur position dominante dans les médias et dans beaucoup d’institutions de notre société. Deux textes parus récemment illustrent bien cette contre-attaque, ainsi que la pauvreté intellectuelle de cette post-gauche :

Panique et manichéisme

Le texte de Rima Elkouri se résume essentiellement à la thèse que la problématique du wokisme ne serait qu’une « panique morale » créée de toutes pièces par la droite politique. J’ai déjà réfuté cette idée absurde et anachronique dans un blogue précédent (Le « wokisme » n’est pas une panique morale). Le terme « woke » a été adopté par toute une mouvance politique aux États-Unis qui l’a fait sien et ce, bien avant que quiconque pense à critiquer le « wokisme ».

Mme Elkouri répète ad nauseam un thème cher à la mythologie de la post-gauche : que ses critiques ne sont que des suppôts de l’extrême droite. En réalité, ces critiques fusent de toutes parts sur l’éventail politique, y compris de la gauche. De plus, le « wokisme » représente un joli cadeau pour la droite politique car la post-gauche et ses folies postmodernes discréditent la gauche et renforcent ainsi la droite.

En passant, Mme Elkouri affiche une complaisance alarmante à l’égard des propos diffamatoires récents d’Haroun Bouazzi. des propos que ne seraient que « maladroits » selon elle. D’ailleurs, elle affiche une obsession pour les chroniqueurs de Québecor, qu’elle accuse de fomenter cette « panique morale ». Pour elle, l’identité de la (méchante) source d’une idée l’emporte sur la cohérence de cette idée. Elle accuse ces chroniqueurs aussi d’alimenter « une pensée antagoniste binaire », ce qui est assez drôle étant donné le caractère extrêmement manichéen de la pensée « woke » pour laquelle il n’existe que deux prises de position politique : la leur et l’extrême droite.

On déclare infréquentable une source (un individu, un organisme, un média) et ensuite on refuse catégoriquement de considérer quoique ce soit provenant de cette source.

Finalement, il faut souligner le cercle vicieux dans le discours d’Elkouri. C’est la post-gauche québécoise qui a collé à Québecor l’étiquette « nationalisme conservateur » ou pire. Ensuite cette post-gauche utilise cette étiquette, c’est-à-dire cette réputation qu’elle-même a construite, afin de discréditer tout ce que ce média publie. C’est une stratégie autoréférentielle et malhonnête utilisée très fréquemment par cette mouvance : on déclare infréquentable une source (un individu, un organisme, un média) et ensuite on refuse catégoriquement de considérer quoique ce soit provenant de cette source.

Philosophisme

Quant à l’article de Chantal Guy, il s’agit de recenser un livre récemment paru du philosophe Learry Gagné. Ce texte est bourré de sophismes et de faussetés. Cela ne donne vraiment pas envie de lire le livre. En voici trois des pires :

  1. Pour Gagné, « l’Occident, c’est le nazisme, c’est le colonialisme », tandis que les Lumières ne sont qu’une obsession nostalgique des antiwokes.
    Cette attitude est au cœur des dogmes de la post-gauche, qui définit l’Occident par ses pires produits. Ce n’est que l’inverse de l’attitude de ceux qui voient en la culture européenne l’apogée de la civilisation mondiale. Les deux approches sont ridiculement simplistes et eurocentrées. Pour être réaliste, l’histoire et la culture européennes comprennent des hauts (les Lumières) et des bas (le nazisme) et toute une gamme d’éléments entre ces deux extrêmes.
  2. Selon Gagné, la censure sociale n’existe pas, car « La vraie censure est quelque chose qui vient de l’État ou du droit. »
    Cette fausseté est une préférée des ceux qui nient l’existence de ce qu’on appelle couramment la « cancel culture ». Il s’agit de nier la pression sociale, parfois extrême, imposée par le milieu social, suscitant la peur de se faire ostraciser. En voici trois exemples canadiens :
    • les séances EDI et l’affaire Richard Bilkszto à Toronto.
    • le projet de loi C-413 proposé par la députée fédérale néo-démocrate Leah Gazan. Cette loi draconienne et orwellienne, si elle était adoptée, criminaliserait les opinions dissidentes au sujet des pensionnats pour autochtones et constituerait un exemple de censure de type légal. Toutefois, même comme simple projet, sans être adopté, le C-413 représente déjà une caution pour la censure sociale des opinions insuffisamment conforme à la pensée dominante.
    • La motion parlementaire M-103 qui condamne « l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ». Cette motion n’a pas force de loi, donc il ne s’agit pas (encore) de censure légale. Toutefois, elle représente une menace pour la liberté d’expression et un fort appui à la censure sociale de la critique de l’islam.
  3. Cette déclaration est plagiée directement de la propagande anti-athée des théistes.

  4. Quelle est la vraie motivation des antiwokes, selon Learry Gagné ? « Ils veulent la liberté d’expression essentiellement pour avoir le droit de dire des choses qu’ils n’ont pas d’affaire à dire, pour avoir le droit d’insulter. »
    Cette déclaration est plagiée directement de la propagande anti-athée des théistes. Selon les dogmes de la religion chrétienne, par exemple, les croyants chrétiens sont moralement supérieurs aux autres, surtout aux athées. Selon les dogmes de la parareligion « woke », les croyants wokes sont moralement supérieurs aux autres, surtout aux antiwokes. Selon une argutie chère aux chrétiens, le but d’un athée est de pouvoir pécher avec impunité (car la morale serait impossible sans croire en dieu). C’est exactement pareil pour Gagné : Il déclare que l’opposition au wokisme, ainsi que la valorisation de la liberté d’expression, sont motivées par un désir identique, un désir de pécher en disant des méchancetés (car la rectitude serait impossible sans adhérer aux dogmes du wokisme).
    Dans les deux cas, la prémisse de départ, une simple supposition, est la supériorité morale du croyant (chrétien ou « woke »).

Les questions nécessaires

Est-il raciste de dire que l’interdiction de l’apostasie par certaines religions est une pratique barbare ?

Ce que partagent ces deux défenseurs de la post-gauche, Rima Elkouri et Learry Gagné, c’est qu’ils négligent délibérément les nécessaires questions qui font la distinction entre la pensée woke et les détracteurs de cette pensée. Si on veut vraiment comprendre ce conflit d’idées, il faudrait réfléchir à des questions comme les suivantes :

  • Quel est le meilleur moyen de lutter contre le racisme ? L’approche universaliste qui favorise le daltonisme (« colour-blindness ») en matière de couleur de la peau et qui s’oppose à la discrimination ? Ou l’approche de la post-gauche (théorie critique de la race, intersectionnalité, etc.) qui accorde à l’identité raciale la plus haute priorité et qui prône la discrimination positive ?
  • Faut-il évaluer chaque idée, chaque proposition d’abord et avant tout selon sa cohérence, sa pertinence et son objectivité ? Ou par contre, faudrait-il rejeter d’emblée toute idée en provenance de sources que l’on n’aime pas ?
  • Le sexe biologique est-elle binaire ou non ? Est-ce plutôt une construction sociale ? Est-il possible de changer littéralement de sexe ?
  • La critique de la religion fait-elle partie de la liberté de conscience ? Ou, par contre, cette critique est-elle raciste ? Par exemple, est-il raciste de dire que l’interdiction de l’apostasie par certaines religions est une pratique barbare ?

Tant que l’on évitera ce genre de questions, il sera impossible de trancher entre les idéologies de la post-gauche et les critiques des ces idéologies.


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