À l’intersection de l’intersectionnalité et de l’islamogauchisme

Rien n’est jamais la faute de l’islam

2020-01-21

Mes impressions d’une récente conférence donnée à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) au sujet de personnes de minorités sexuelles et issues de milieux musulmans. L’approche du conférencier et d’une bonne partie du public dans la salle était fortement perturbée par leurs adhésion à l’idéologie intersectionnelle.

Summary in English My experience at a recent talk given at the Université du Québec à Montréal (UQÀM) about sexual minority persons from a Muslim background. The approach of the speaker and much of the audience was greatly distorted by their attachment to intersectional ideology.

Nous savons que la raison d’être de l’accusation « islamophobe » est de faire taire toute critique de l’islam. J’en ai eu la preuve pour la n-ième fois mercredi soir le 15 janvier lors d’une conférence donnée à l’UQAM :

« À l’intersection de l’islamophobie et de l’hétérocissexisme : récits de résilience de huit personnes LGBTQ+ musulmanes vivant à Montréal. », de Sébastien Chehaitly

La salle était bondée de monde, la plupart s’affichant clairement partisans de l’approche intersectionnelle annoncée, et un petit nombre de personnes, comme moi, qui voulait contester la pensée unique que la gauche intersectionnelle cherche à imposer.

La conférence elle-même était plus ou moins intéressante. Le conférencier racontait un peu le parcours de huit personnes homosexuelles ou trans, issues de familles musulmanes, et les conflits et difficultés que cela pouvait engendrer. Un échantillon bien petit, choisi avec une méthodologie douteuse, des résultats plutôt anecdotiques. Pour une bonne critique de cette conférence, voir le compte-rendu Immersion chez les UQAMo-gauchistes, partie 1 d’Annie-Ève Collin.

Dogme religieux versus épanouissement sexuel et liberté de conscience

Or, il est évident, pour toute personne raisonnable, que s’il y a conflit entre l’homosexualité d’un individu et la religion qui n’accepte pas cette sexualité, la solution est de s’éloigner de la religion. Cela s’applique évidemment aux trois religions abrahamiques : le judaïsme, le christianisme et l’islam, mais pas seulement à elles. Cette solution, rejeter la religion, quoique bien simple, n’est pas pour autant facile, au contraire. Si l’individu est très attaché à sa famille, et si cette famille ne reconnaît à cet individu ni son besoin d’épanouissement sexuel, ni son droit de quitter la religion parentale, alors la situation qui en résulte peut engendrer des déchirements atroces. Cela est d’autant plus difficile si la religion en question est l’islam, car chez les Musulmans pratiquants et pieux, le dogme condamne catégoriquement l’homosexualité et l’apostasie à la fois. Donc la jeune personne homosexuelle issue d’une famille musulmane pieuse est interdite de rester à cause de sa sexualité et interdite de partir car quitter l’islam est considéré péché gravissime.

Mais cette constatation évidente — l’incompatibilité flagrante entre les dogmes islamiques et les libertés sexuelle et de conscience — cela ne passe pas chez la gauche intersectionnelle, car pour eux, il ne faut jamais critiquer l’islam. Cela se lit même dans le titre de la conférence, « À l’intersection de l’islamophobie et de l’hétérocissexisme ». Cette gauche intersectionnelle est obsédée par les minorités (du moins quelques minorites, pas toutes), qui sont toutes opprimées selon cette gauche, mais ne reconnaît jamais, à ce que je peux voir, l’oppression qui peut opérer à l’intérieur même d’une minorité. Donc, si l’identité musulmane cause certains problèmes à l’individu, l’origine de cette oppression ne peut être que la soi-disant « islamophobie », c’est-à-dire une oppression exercée par les méchants non-Musulmans contre les Musulmans. La cause de cette oppression ne peut pas être l’islam lui-même. C’est apparemment impensable selon le dogme intersectionnel.

Supprimer la diversité intellectuelle

Alors, pendant la période de questions qui a suivi la conférence, une dame a soulevé la question de l’homophobie en islam, rappelant aux gens que de nombreux pays à majorité musulmane ont des lois sévères réprimant l’homosexualité. Elle fût tout de suite accusée d’islamophobie par une jeune femme. Un homme a ajouté qu’il ne faut pas parlé des autres pays ; nous sommes au Québec ; la situation dans d’autres pays n’est pas pertinente. Un peu plus tard, lorsque ces lois ont été mentionnées encore une fois, quelqu’un a déclaré péremptoirement, à la très grande satisfaction de beaucoup dans la salle, que la plupart de ces lois sont héritées de l’époque de la colonisation, ce qui a donné lieu a des applaudissements enthousiastes et approbateurs (au fait, pas de vrais applaudissements, mais plutôt le geste de lever les deux mains ouvertes et les faire aller, genre « jazz hands », un truc à la mode dans ce milieu).

(En passant, cette question est assez intéressante. Je sais que, dans le cas des pays d’Afrique subsaharienne christianisés par les Européens, surtout les anciennes colonies britanniques, c’est probablement vrai. En Inde aussi je crois. Mais je ne suis pas du tout convaincu que cela s’applique autant aux pays musulmans. Mais même si c’était vrai, cela n’excuse pas aux gouvernements post-coloniaux actuels le fait de garder ces lois en vigueur et de les utiliser pour pourrir la vie des minorités sexuelles. De plus, on ne peut tenir l’ancien colonisateur responsable des lois anti-apostasie qui sont très sévères dans plusieurs pays musulmans. Ce serait bien d’avoir des informations précises et fiables à ce sujet. On ne doit pas se fier à cette gauche intersectionnelle.)

Une autre dame a listé plusieurs versets du coran qui condamnent l’homosexualité. Elle aussi fut rappelée à l’ordre. Pas pertinent apparemment.

Une des tactiques des gens qui voulaient faire taire les critiques était de demander que l’on s’abstienne de tout commentaire “polémique” — ce qui voulait dire évidemment qu’il ne fallait pas exprimer un désaccord avec l’approche intersectionnelle et islamo-complaisante affichée par le conférencier et par la plupart des gens dans la salle.

Moi, j’ai soulevé la question des ex-Musulmans qui sont souvent persécutés à cause, justement, de la condamnation de l’apostasie en Islam. Une jeune femme, ex-Musulmane d’origine tunisienne vivant à Montréal, s’est levée pour expliquer longuement qu’elle n’a eu aucun problème à quitter l’islam. Plus tard, je lui ai rappelé qu’elle constitue un échantillon d’une seule personne, ce qui ne suffit pas pour infirmer mon observation.

Vers la fin de la période de discussion, un individu a fait un long commentaire. Il voulait d’abord rappeler à tout le monde que nous étions sur du territoire autochtone non cédé. (Je ne vois pas la pertinence de cette remarque, mais au moins il n’a pas dit « territoire mohawk », ce qui est une fausseté souvent véhiculée.) Ensuite, il a accusé plusieurs personnes (qu’il n’a pas identifées clairement, mais tout le monde savaient de qui il parlait) d’avoir agit très impoliment (faux), d’avoir couper la parole au conférencier (faux encore, personne n’avait fait cela), d’avoir adopté un comportement intimidant, d’avoir fait des grimaces méprisantes, d’avoir polémiser malgré la consigne de ne pas le faire, etc. Son petit discours était effectivement plein de mépris et assez intimidant pour les personnes qui avaient exprimé une opinion (bien que poliment) en désaccord avec la plupart des gens dans la salle. Juste après la fin de l’événement, ce même individu a poussé subitement des cris violents, apparemment offensé que l’on envahisse son espace personnel, lorsqu’Annie-Ève Collin a voulu lui parler de son commentaire.

Tout compte fait, cette soirée m’a confirmé le pire de mes impressions de cette « gauche » dite régressive ou identitaire ou diversitaire ou intersectionnelle, etc. Très désagréable, mais j’ai tout de même appris un peu sur les tactiques qu’utilise cette gauche pour se protéger contre la remise en cause de ses dogmes. Cet apprentissage pourra peut-être me servir à l’avenir.

Deux idéologies douteuses, un résultat toxique

Dans cet événement, nous voyons se jouer deux idéologies douteuses, pour ne pas dire fausses, l’intersectionnalité et l’islamogauchisme. Ensemble, nous avons les ingrédients principaux de la gauche dite régressive, un résultat tout à fait toxique.

L’intersectionnalité est une théorie de systèmes de pouvoir social, issue d’abord du movement féministe. L’idée de base est assez simple et plausible à première vue : si l’individu est membre de plusieurs groupes dont chacun est discriminé, leur degré d’oppression augmente avec chacune des ces identités. Une lesbienne noire est discriminée à cause de sa « race », de son sexe et de son orientation sexuelle. Une femme hétérosexuelle blanche, par contre, n’est ciblée que par la misogynie. Cette vision de l’oppression entraîne la division et une politique de culpabilité, car elle se réduit en pratique à une espèce de système de pointage, où l’on gagne un point de mérite pour chaque identité de groupe opprimé duquel on prétend faire partie. Il en résulte une sorte de système de caste où les hommes blancs hétéro cisgenres se trouvent au sommet de la pile et sont diabolisés tandis que les gagnants des points d’oppression sont célébrés et exempts de toute critique. Le but du militant intersectionnel est de renverser la pile. C’est extrêmement simpliste, car chaque groupe est vu comme étant plutôt homogène, tous ses membres étant pareillement opprimés, et on ne reconnaît pas les importantes inégalités qui peuvent se produire à l’intérieur de chaque groupe.

L’islamogauchisme est une dégénérescence de la gauche politique où la priorité accordée autrefois aux questions de classe est remplacée par la défense des minorités, mais surtout, surtout par la défense des Musulmans. Cette gauche dégénérée ne se contente pas de critiquer les méfaits du colonialisme et de l’esclavagisme européens ; elle s’en sert comme prétexte pour diaboliser les cultures européennes et encenser l’islam, comme si les Musulmans constituaient la nouvelle classe ouvrière (dans l’idéologie marxiste) ou le nouveau peuple élu (dans la mythologie abrahamique). D’ailleurs, on néglige complètement les ravages du colonialisme arabo-musulman en Afrique du nord, au Moyen Orient, en Perse, dans le sous-continent indien, etc. On passe sous silence également l’esclavagisme arabo-musulman qui était aussi important que celui des Européens, sinon plus, étant plus brutal et de plus longue durée.

La convergence, ou l’intersection pour ainsi dire, de ces deux idéologies problématiques en fait un salmigondis toxique où l’islam devient intouchable, jouissant d’une impunité totale. Des lois anti-gaies dans de nombreux pays musulmans ? « C’est la faute du colonisateur ! » L’islam condamne l’apostasie et persécute, voire exécute, les ex-Musulmans ? « Moi j’ai quitté l’islam sans problème ! » Le coran prône la violence contre les non-Musulmans ? « Pas pertinent ! »

Dans cette idéologie intersectionno-islamlâtre, ce n’est jamais la faute de l’islam.

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Prochain billet de blogue : Intersectionality: The Death of Feminism and Anti-Racism