Orientation sexuelle et identité de genre

2025-02-02
2025-02-04, ajout de sommaires et d’exergues

Ce texte paraîtra dans le numéro d’avril 2025 de la revue Le Québec sceptique.


Il y a énormément de confusion dans le débat autour des droits des gais, des lesbiennes et des personnes trans. En particulier, les concepts distincts d’orientation sexuelle et d’identité de genre sont parfois amalgamés. Il est important de définir adéquatement les termes et de bien faire les distinctions qui s’imposent.

Summary in English There is a great deal of confusion in the debate concerning gay, lesbian and trans rights. In particular, the distinct concepts of sexual orientation and gender identity are sometimes conflated. It is important to define our terms properly and make the necessary distinctions.

Il y a beaucoup de confusion dans le débat autour des droits des gais, des lesbiennes et des personnes trans, à tel point que l’on peut soupçonner une volonté de créer et d’attiser cette confusion délibérément. Il y a confusion autour de la définition du sexe biologique. Il y a confusion entre le sexe en tant qu’attribut de l’individu et le sexe en tant qu’acte, c’est-à-dire l’accouplement. Il y a confusion entre droits et privilèges. Il y aurait même une apparente difficulté à définir les termes « femme » et « homme ». On fait aussi souvent l’amalgame entre le sexe (un attribut biologique immuable) et le genre (qui se réfère aux rôles que chaque sexe peut prendre normalement, des rôles qui varient énormément selon l’époque et la culture, donc très variables). Si le genre est une construction sociale, le sexe est une réalité bien ancrée dans la biologie.

Beaucoup de confusion provient aussi de l’amalgame entre orientation sexuelle et identité de genre, une ambiguïté qui se manifeste, par exemple, dans le sigle LGBTQ et ses variantes avec des lettres supplémentaires. Au risque de compliquer les choses encore davantage, remarquons que cette « identité de genre » devrait plutôt s’appeler « identité sexuelle », mais la première appellation s’est imposée en vertu de la confusion entre sexe et genre.

L’orientation sexuelle est tout simplement l’attirance sexuelle vers des personnes du sexe opposé (orientation hétérosexuelle) ou du même sexe (orientation homosexuelle). Dès que cette orientation s’exprime, elle devient objectivement observable par le comportement sexuel de l’individu. Il existe aussi la bisexualité, où la personne est attirée par des gens des deux sexes, ainsi que l’asexualité, où la personne n’éprouve aucune attirance.

L’identité de genre est moins facile à définir car il s’agit d’un ressenti de l’individu, sans expression objective.

L’identité de genre (ou identité sexuelle) est moins facile à définir car il s’agit d’un ressenti de l’individu, sans expression objective. C’est le sentiment de l’individu d’appartenir à l’un ou l’autre des deux sexes (ou à l’un parmi une infinitude de « genres »), indépendamment de son sexe biologique réel. Si l’identité de genre et le sexe biologique diffèrent, si l’individu se sent « dans le mauvais corps », on peut avoir à ce moment-là une dysphorie de genre. Ce phénomène est purement subjectif, un syndrome psychologique. La dysphorie de genre est définie comme « le malaise persistant ressenti par les personnes transgenres vis-à-vis de leurs caractéristiques sexuelles et leur genre assigné alimentant un désir intense et durable de changer ces derniers. » Notons aussi que l’on retrouve parfois l’expression « incongruence de genre » pour décrire un phénomène semblable.

L’orientation sexuelle est donc une affaire de partenaire sexuel (réel ou désiré), où le mot « sexuel » fait référence à l’acte sexuel, tandis que l’identité de genre est le sentiment de l’individu d’appartenir à un genre (ou sexe) particulier, un attribut personnel de l’individu, qui peut correspondre ou nom au sexe biologique.

Le sexe biologique

Pour que les définitions ci-dessus aient du sens, il faut préalablement se doter d’une définition claire du sexe biologique. Si l’on définit le sexe selon le type de gamètes qu’un individu peut (potentiellement) produire, alors il y a deux sexes biologiques : le sexe femelle qui produit de gros gamètes (ovules) et le sexe mâle qui produit de petits gamètes (spermatozoïdes).

Le sexe biologique est strictement binaire. Il n’y a que les deux[…]

Le sexe biologique est strictement binaire. Il n’y a que les deux, et ce, même chez les rares individus — que l’on appelle souvent « intersexes » — qui peuvent présenter des attributs physiques qui ne sont pas typiques des deux sexes. Il ne s’agit pas d’un troisième sexe mais plutôt d’une anomalie du développement d’un individu appartenant à l’un des deux sexes. De toute façon, un individu qui se dit trans, c’est-à-dire qui est atteint de dysphorie de genre et qui exprime ainsi le désir de changer de sexe, reconnaît implicitement appartenir à un sexe et vouloir adopter l’autre. Aussi, alors qu’être intersexe est un état physique qui peut nécessiter une intervention médicale, être trans est un état psychologique qui est lié à un inconfort avec son sexe. Les personnes intersexes ne sont pas trans et doivent être traitées au cas par cas étant donné leur rareté et leurs particularités.

De plus, malgré ce que prétendent certains activistes et certaines philosophes qui choisissent d’ignorer la réalité scientifique, il est impossible pour un être humain de changer de sexe. Le sexe d’un individu est établi dès la conception et est présent dans chaque cellule du corps. Le sexe d’un bébé n’est pas « assigné à la naissance » mais constaté ou observé. Donc, toute « réassignation sexuelle », par le biais de médicaments puissants ou de chirurgies, ne peut être que cosmétique et superficielle.

Lorsque nous parlons des droits des personnes LGBT, la situation est très différente pour le groupe LGB (lesbiennes, gais et bisexuel·les) et le groupe T (trans, c’est-à-dire atteintes de dysphorie de genre). Les deux groupes partagent un souci commun : la protection contre la discrimination en matière d’emploi, de logement, etc. Mais en dehors de cette question, les deux divergent l’un de l’autre énormément. Dans le premier groupe, il s’agit de gens ayant un comportement homosexuel, et il suffit qu’ils aient la liberté de vivre leur vie sans subir une discrimination basée sur des préjugés anti-homosexuels et que le couple de même sexe soit reconnu. Mais dans le deuxième groupe, chez les trans, la situation est complètement différente car il y a la volonté de changer de sexe, ce qui peut impliquer des interventions médicales majeures, envahissantes et radicales.

Diagnostic légitime ou non ?

Je ne nie certainement pas l’existence même de la dysphorie de genre en tant que phénomène réel. Il y a des individus qui se trouvent très mal à l’aise avec leur sexe biologique dès un très jeune âge. Ils éprouvent apparemment un désir profond de changer de sexe, même si une telle modification est en réalité impossible, et ce désir n’a rien de passager. Je ne suis ni médecin, ni psychologue, alors je n’ai évidemment pas la prétention de pouvoir faire des diagnostics, c’est-à-dire identifier les véritables cas de dysphorie de genre. Toutefois, il y a au moins deux situations particulières où la forte possibilité d’un faux diagnostic est évidente et facile à reconnaître.

D’abord il y a la situation où l’individu se déclare du sexe opposé, parfois soudainement, afin de se prévaloir de certains privilèges ou avantages. Des exemples de ce phénomène sont nombreux, et dans la grande majorité des cas, sinon tous, l’individu est un homme qui se prétend femme, c’est-à-dire qu’il est « trans-femme » ou « trans-féminisé ». Il peut s’agir d’hommes voulant avoir accès aux espaces réservés aux femmes pour des raisons de voyeurisme ou pour bénéficier d’un traitement moins rigoureux dans une prison pour femmes. Il peut aussi s’agir d’hommes ayant la volonté de participer à des compétitions sportives féminines où l’individu mâle jouit d’un avantage athlétique inné majeur.

Deuxièmement, il y a la situation où l’individu, souvent un adolescent ou une adolescente qui arrive à l’âge de la puberté, découvre des sentiments homosexuels mais vit dans un milieu plutôt homophobe. Cette situation est probablement plus difficile pour une fille que pour un garçon, car celle-ci se trouve être la cible de l’attention sexuelle insistante et non voulue de la part des garçons de son milieu ; ce malaise s’ajoutant aux malaises dus à la réprobation associée avec l’homosexualité. Il y a enfin des cas de jeunes filles au tout début de leur puberté, qui ne veulent pas avoir de règles, ni de seins. Si cette fille devenait un garçon, ces problèmes disparaîtraient. Elle peut donc voir la réassignation sexuelle comme une solution.

Des études ont dévoilé que, si ces adolescent·es sont suivis jusqu’à l’âge adulte sans entamer de transition, la dysphorie finit souvent par se résoudre et une forte proportion de ces individus deviennent des adultes homosexuels.

Mais cette solution n’en est pas une. Des études ont dévoilé que, si ces adolescent·es sont suivis jusqu’à l’âge adulte sans entamer de transition, la dysphorie finit souvent par se résoudre et une forte proportion de ces individus deviennent des adultes homosexuels. Par exemple, le Dr James M. Cantor, spécialiste des comportements sexuels, a compilé une liste d’études avec un taux de résolution de ces enjeux psychologiques entre 60 % et 90 % sans la nécessité d’une transition.

Chaque cas est unique. Mais dans l’ensemble, la plupart des cas de dysphorie de genre qui s’inscrivent dans l’un ou l’autre de ces scénarios doivent être considérés comme de faux diagnostics. Ces scénarios sont le résultat inévitable de l’idéologie, évidemment erronée, qui affirme que le changement de sexe biologique est possible et peut se faire en réponse à un ressenti sincère et profond. De plus, c’est le patient qui serait le mieux placé pour établir son propre diagnostic de dysphorie. Dans le premier scénario, l’individu profite de façon abusive de cette idéologie. Dans le deuxième scénario, l’individu en est une victime. Pourquoi ces faux diagnostics sont-ils si nombreux ? Parce que les autorités qui sont confrontées à ces situations, qu’elles soient médicales, sportives ou autres, n’ont pas le courage nécessaire pour s’objecter à cette idéologie néfaste (NDR : la situation a récemment changé aux États-Unis). Ce qui nous amène à la question de la censure.

Censure sociale, censure légale

Ce type d’accusation est une forme de censure sociale, c’est-à-dire une censure imposée par les pairs, et non par l’État.

La simple reconnaissance de la réalité biologique que fait le présent texte, c’est-à-dire la binarité sexuelle et l’impossibilité d’une réelle réassignation sexuelle, risque de lui attirer des accusations de « transphobie » de la part des adeptes de la pseudoscience butlérienne, celle qui soutient, comme la philosophe Judith Butler, que le sexe n’est qu’un concept flou, voire une construction sociale. Ce type d’accusation est une forme de censure sociale, c’est-à-dire une censure imposée par les pairs, et non par l’État. Les accusations de « racisme », de « xénophobie » ou d’être de l’« extrême droite » — lancées contre quiconque ose remettre en cause la théorie critique de la race, l’intersectionnalité ou les autres idéologies d’inspiration postmoderne —, sont du même acabit. La répression de la liberté d’expression dans ces domaines, connue sous le nom de « cancel culture », fait partie du même phénomène.

Les adeptes de ces idéologies, pour ratiociner cette culture d’annulation, prétendent que la seule censure existante, la seule qui mérite le nom « censure », est celle imposée par l’État, c’est-à-dire la censure légale. Donc, ils nient l’existence du problème. Pourtant, il est évident que la censure sociale fait des ravages et représente un sérieux problème de société. La seule solution est de défier cette censure en osant débattre ouvertement et publiquement de ces questions sensibles.

Lois interdisant les thérapies de conversion

Cet amalgame entre orientation sexuelle et identité de genre, c’est-à-dire l’erreur de confondre deux phénomènes sexuels dont le premier est objectivement défini tandis que le second relève purement d’un ressenti subjectif, a malheureusement déjà fait du chemin dans la société et ce, même dans la législation. Plusieurs juridictions, y compris au Québec (P-42.2) et au Canada (L.C. 2021), ont adopté des lois interdisant les thérapies de conversion. Ces lois ont le mérite d’interdire les thérapies de conversion d’orientation sexuelle, des thérapies qui prétendent convertir des homosexuels pour en faire des hétérosexuels. Cette interdiction est nécessaire car ces thérapies sont inutiles et nuisibles et, pour la plupart, ne sont que le produit de préjugés homophobes religieux.

Malheureusement, ces lois ne font pas la distinction qui s’impose car elles interdisent aussi les thérapies de conversion d’identité de genre ou d’expression de genre sur le même modèle que l’orientation sexuelle. Mais comment peut-on « convertir » un phénomène qui est purement subjectif ? L’identité de genre est une conception personnelle. L’idée de « convertir » cette identité subjective en une autre ajoute une deuxième couche d’ambiguïté. Ces lois ciblent une thérapie dont les paramètres sont très difficiles, voire impossibles, à définir.

Une loi qui criminalise un acte qui n’a même pas de définition claire est une mauvaise loi.

Une loi qui criminalise un acte qui n’a même pas de définition claire est une mauvaise loi. L’interdiction des thérapies de conversion d’identité de genre est une double menace pour la société.

  1. Elle nuit aux soins médicaux car elle empêche le personnel médical de prodiguer des conseils appropriés dans certaines situations. Ce personnel est obligé d’accepter l’autodiagnostic du patient et ne peut faire sa propre évaluation professionnelle.
  2. Elle entraîne des conséquences draconiennes pour la liberté d’expression de tout le monde.

Pour toutes ces raisons, l’interdiction des thérapies de conversion d’identité de genre doit être supprimée de la loi L.C. 2021 fédérale, de la loi P-42.2 québécoise et de toute législation semblable dans d’autres juridictions. (Mais évidemment l’interdiction des thérapies de conversion d’orientation sexuelle doit être maintenue.)

L’homophobie implicite du transactivisme

Si des intégristes religieux, tels les évangélistes chrétiens, s’offusquent du concept même de réassignation sexuelle et de la hausse du taux de diagnostics de dysphorie de genre, ils n’ont qu’à se regarder dans un miroir pour trouver des coupables. En effet, l’homophobie obstinée des intégristes des religions abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam) est une cause importante des diagnostics erronés de dysphorie de genre. Il faut commencer par accepter l’homosexualité de sa fille lesbienne et de son fils gai avant de lancer des accusations contre autrui.

Mais les religieux ne sont pas les seuls coupables. Les transactivistes eux-mêmes, qu’ils en soient conscients ou non, facilitent des pratiques qui sont objectivement homophobes lorsqu’ils prônent l’utilisation de médicaments ou de chirurgies pour amorcer des réassignations sexuelles à l’adolescence. Si une personne mineure est apparemment atteinte de dysphorie de genre, la prudence est de mise. Un suivi à long terme, sans traitements de type « affirmation de genre », permettrait de s’assurer du diagnostic et d’écarter les cas où il s’agit d’une jeune personne homosexuelle.

Si on prodigue hâtivement les soins d’affirmation de genre à des personnes mineures, alors la soi-disant « réassignation sexuelle » devient elle-même, dans beaucoup de cas, une thérapie de conversion d’orientation sexuelle.

Si on prodigue hâtivement les soins d’affirmation de genre à des personnes mineures, alors la soi-disant « réassignation sexuelle » devient elle-même, dans beaucoup de cas, une thérapie de conversion d’orientation sexuelle.

Ainsi, en Iran, une théocratie islamique, l’homosexualité est strictement illégale et punie par la peine de mort. Les chirurgies de réassignation sexuelle (CRS) sont non seulement approuvées par les autorités religieuses, mais apparemment encouragées, justement dans le but de « guérir » l’homosexualité. Selon une lettre parue dans l’Iranian Journal of Public Health en 2022, ce pays est un chef de file mondial pour ce genre de chirurgie. L’Iran constitue donc « l’enfer des homosexuels et le paradis des trans en quête de CRS. »

Bilan

À mon avis, faire croire à une personne atteinte de dysphorie de genre qu’il est possible de changer littéralement de sexe biologique est malhonnête, irresponsable et n’apporte aucun bénéfice au patient. Ce dernier mérite mieux.


Note

Le 21 mai 2024, l’association Libres penseurs athées a fait une présentation devant le Comité des sages qui a le mandat de conseiller le gouvernement du Québec sur la question de l’identité de genre. Vous pouvez consulter son mémoire et un résumé des points saillants de sa présentation sur le site web LPA.


David Rand est auteur du livre Un Simulacre de laïcité, L’échec du sécularisme dans le monde anglophone paru chez L’Harmattan et président de l’association Libres penseurs athées.

Il remercie François Chapleau pour ses précieux conseils lors de la révision de ce texte.


Prochain blogue : à annoncer

Sur l’extrémisme trans

La théorie du genre est-elle la nouvelle thérapie de conversion ?

2023-06-16
2023-06-29, ajout d’un lien

Le mouvement trans est irrémédiablement corrompu par la pseudo-gauche anti-Lumières et par la Théorie du genre, l’entraînant dans une direction extrémiste, irrationnelle et misogyne, voire apparemment homophobe.

Summary in English
This blog is available in English.
The trans movement has been hopelessly corrupted by the anti-Enlightenment pseudo-left and by Gender Theory, leading it in an extremist, irrational direction which is misogynistic and even apparently homophobic.

La situation actuelle a assez duré. Nous devons dénoncer l’extrémisme insensé du mouvement trans.

En 1972, alors que je vivais à Ottawa et que j’étais très actif au sein de l’organisation de défense des droits des homosexuels Gays of Ottawa (qui a ensuite changé son nom pour devenir Lesbians and Gays of Ottawa), j’ai rencontré, pour la première fois, une personne que je savais trans. J’ai reçu la visite d’un jeune individu transgenre femme-à-homme dans mon appartement du Collège Pestalozzi. Nous avons bavardé et discuté pendant plusieurs heures. Je ne me souviens plus de son nom. Ce dont je me souviens le plus clairement, c’est que les attitudes négatives auxquelles il a dû faire face, en tant que transgenre, étaient très similaires à celles auxquelles j’étais confronté en tant qu’homosexuel : les préjugés basés sur des stéréotypes sexuels sur la façon dont les hommes doivent se comporter et comment les femmes doivent se comporter, et malheur à quiconque viole ces règles. Passé d’un genre à l’autre, il avait violé la démarcation infranchissable entre les genres — si je peux l’appeler ainsi — d’une manière radicale et socialement « répugnante ». Étant gai, attiré sexuellement par d’autres hommes, j’avais moi aussi violé cette démarcation, bien que de manière moins visible. J’ai ressenti un fort lien de solidarité, malgré la nature différente de nos « transgressions ».

Quelques années plus tard, vivant à Vancouver en C.-B. et militant au sein de la Gay Alliance Toward Equality (GATE), j’ai assisté à un événement à Seattle organisé par l’Union of Sexual Minorities (USM). J’y ai été témoin d’un affrontement dont je n’ai pas saisi pleinement les implications à l’époque mais dont j’étais convaincu qu’il était significatif. Une conférencière, une femme trans, expliquait qu’après une certaine période de vie en tant que femme, elle se considérait pleinement femme. Cependant, un groupe de lesbiennes dans la salle a réagi à cela avec colère. Comment quelqu’un né de sexe masculin et qui a vécu la majeure partie de sa vie en tant qu’homme peut-il prétendre parler en tant que femme ? L’animatrice de l’événement a rejeté ces préoccupations sur-le-champ, déclarant que le point de vue de la conférencière était une position féministe correcte.

Aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, beaucoup de choses ont changé. Au Canada et dans de nombreux pays occidentaux, être gai n’est pas seulement accepté, c’est maintenant pratiquement à la mode et ce, depuis plusieurs années, bien que des lois et des attitudes homophobes draconiennes persistent dans de nombreux autres pays (tels que des pays d’Europe de l’Est, les pays à majorité musulmane et certaines parties de l’Afrique). Les personnes trans aussi sont désormais acceptées, bien que plus récemment. Mais il y a un problème. Un énorme problème.

L’abandon de l’objectivité

En plus d’une plus grande acceptation des minorités sexuelles, le XXIe siècle a vu la propagation d’une mouvance politique bizarre — que beaucoup appellent le « wokisme » mais que je préfère appeler plutôt la pseudo-gauche anti-Lumières, car c’est bien de cela qu’il s’agit : une mouvance qui se revendique de la gauche politique mais qui a rejeté les idéaux et les valeurs des Lumières qui constituent la définition même de cette gauche.

Cette mentalité anti-Lumières, fortement influencée par la philosophie postmoderne, valorise la subjectivité personnelle aux dépens de l’objectivité, l’émotion plutôt que la raison, et a gravement déformé de nombreux mouvements sociaux. Une composante particulière de cette mentalité, connue sous le nom de Théorie du genre (TG), a particulièrement miné le mouvement LGBT (lesbien-gai-bisexuel-trans). Partant du constat que les rôles des genres — c’est-à-dire les différentes manières dont les hommes et les femmes sont censés se comporter — sont socialement déterminés, la TG a fait un saut irrationnel en déclarant que le sexe lui-même — c’est-à-dire être mâle ou femelle — serait, lui aussi, une construction sociale. Cette conclusion est manifestement fausse, car mâle et femelle sont des catégories biologiques distinctes.

À contre-courant de la réalité biologique, les théoriciens du genre affirment que le sexe d’un individu est « assigné » à la naissance. Mais, quelle foutaise ! Le sexe du nouveau-né est constaté, non pas assigné. L’existence d’individus intersexués et la possibilité concomitante d’une constatation erronée — des phénomènes rares en effet — ne font que souligner la nature binaire du sexe.

Selon les termes du Projet Nettie, un registre de scientifiques, de personnel médical et d’autres qui affirment la réalité matérielle du sexe biologique, « Les tentatives de redéfinition du sexe biologique en tant que construction sociale, qui devient alors une question d’identité individuelle choisie, sont totalement idéologiques, scientifiquement inexactes et socialement irresponsables. »

Conséquences désastreuses

Les conséquences de cette théorie sont désastreuses. Le mouvement pour les droits des trans avait autrefois des objectifs éminemment raisonnables, tels que des soins médicaux de qualité pour les adultes atteints de dysphorie de genre, les aidant à faire la transition, sous la condition de leur consentement éclairé à une telle transition ; et la prévention de la discrimination, dans le logement et dans l’emploi, contre les personnes en transition ou ayant transitionné. Mais plus récemment, les militants trans, ou du moins ceux qui monopolisent la conversation, sont devenus extrémistes dans leurs revendications, ce qui a entraîné au moins deux problèmes majeurs :

  1. Auto-identification: Une personne est désormais considérée comme appartenant à un certain sexe sur la base d’une simple auto-déclaration. Donc, un homme peut devenir femme (ou vice versa) simplement en le déclarant. Il n’y a aucun contrôle. C’est une porte ouverte aux abus. Cela permet aux prédateurs mâles hétérosexuels d’accéder facilement aux espaces réservés aux femmes. Cela permet également aux athlètes masculins médiocres de concourir et de gagner facilement dans les sports féminins.
  2. Transition des mineurs: Sur la base de soi-disant « soins d’affirmation de genre », les adolescents sont autorisés à commencer sur la voie de la transition — impliquant souvent des médicaments bloqueurs de puberté avec des effets secondaires potentiellement dangereux, éventuellement irréversibles et impliquant parfois une intervention chirurgicale qui mutile le corps, y compris les organes génitaux. Ces personnes sont des mineurs, trop jeunes pour donner un consentement éclairé à des procédures aussi importantes. Les statistiques montrent que (1) si ces procédures sont retardées de plusieurs années, la plupart des cas se résolvent avec le temps et l’individu grandit simplement pour devenir un adulte homosexuel sans dysphorie de genre et (2) la probabilité qu’un mineur atteint de dysphorie apparente se suicide est bien moins élevée que ce que prétendent de nombreux militants trans.

Moins sérieuse, mais très révélatrice de l’absurdité de la TG, est la mode actuelle de déclarer ses pronoms. Il serait peut-être utile d’avoir un ensemble de pronoms neutres qui pourraient être utilisés pour désigner les personnes qui préfèrent ne pas être étiquetées hommes ou femmes pour quelque raison que ce soit. Cela permettrait à une personne de choisir l’un des trois ensembles de pronoms disponibles : masculin, féminin et neutre. Cependant, les extrémistes trans vont bien au-delà de cette idée, s’attendant à ce que les individus choisissent des pronoms personnalisés, qui peuvent être uniques et différents de tous les autres, et exigeant que tout le monde utilise ces pronoms lorsqu’on s’adresse à cet individu (et si on se trompe ou qu’on refuse, on sera accusé de transphobie). Forcer les autres à se souvenir et à utiliser des pronoms personnalisés est une absurdité narcissique.

Les hommes et les « non-hommes »

Ce ne sont pas les seuls problèmes. Le refus de reconnaître la binarité du sexe conduit à l’effacement des femmes et parfois même des homosexuels. Le mot « femme » commence à disparaître, remplacé par des expressions ridicules telles que « personne qui accouche » ou « non-homme ». Incroyablement, dans un glossaire LGBTQ, sur le site web de l’Université John Hopkins, le mot « lesbienne » est défini comme « un non-homme attiré par des non-hommes » (“A non-man attracted to non-men”). Par ailleurs, ce même glossaire ne comporte aucune définition du mot « sexe » mais dispose bien d’un article définissant l’expression « Sexe assigné à la naissance ».

Les lesbiennes qui ne souhaitent pas avoir de relations sexuelles avec des femmes trans, c’est-à-dire biologiquement mâles, sont accusées de transphobie. Qu’est-il advenu du respect du consentement ? Les extrémistes trans calomnient régulièrement les détracteurs de la Théorie du genre de la manière la plus atroce, appelant parfois même à leur mort (« Kill TERFs » où les détracteurs de la TG sont appelés TERFs = « Trans Exclusionary Radical Feminists ») — en d’autres termes, prônant le génocide des féministes. Et pourtant, hypocritement, certains extrémistes trans accusent les détracteurs de la TG de promouvoir le génocide des personnes trans !

L’essentiel est le suivant : l’extrémisme trans est devenu misogyne et parfois homophobe. En particulier, lorsque les « soins d’affirmation de genre » conduisent à des procédures médicales inutiles et invasives, ils deviennent en réalité une forme de thérapie de conversion, transformant une personne qui normalement serait devenue homosexuelle en un ersatz d’hétérosexuel. Cela constitue une faute professionnelle médicale et une maltraitance médicale de l’enfant.

Cette faute professionnelle flagrante, basée sur une pseudoscience évidente, a assez duré. Il faut que ça s’arrête. En particulier, l’auto-identification doit cesser et la transition des mineurs doit être soumise à une surveillance médicale beaucoup plus stricte ou peut-être complètement interdite. Plusieurs pays européens (p. ex. Finlande, Suède, Angleterre, etc.) ont déjà pris des mesures pour restreindre l’accès aux bloqueurs de puberté, aux hormones sexuelles et aux chirurgies pour les mineurs.

L’un des résultats les plus dangereux, mais pas du tout surprenant, de l’extrémisme trans est l’essor de la droite politique homophobe (souvent religieuse). Face à des revendications outrancières qui discréditent le mouvement trans, et avec lui l’ensemble du mouvement LGBT, les homophobes sont grandement enhardis et renforcés. Les extrémistes trans et leurs alliés sont eux-mêmes en partie responsables de la vague de législation anti-gais et anti-trans que nous voyons dans certaines parties des États-Unis et dans d’autres pays.

L’émotivité l’emporte sur la rationalité, la diffamation remplace le débat

L’extrême irrationalité et l’hystérie dont font preuve les extrémistes trans et leurs « alliés » rappellent beaucoup l’opposition hystérique à la loi québécoise sur la laïcité, la Loi 21, dont les partisans sont souvent la cible d’accusations absurdes de « racisme » (pire que fausse, c’est aussi une erreur de catégorie) et d’autres péchés. Dans les deux cas, l’extrémisme trans et l’antilaïcité, l’émotivité l’emporte sur la rationalité, rendant le débat raisonné pratiquement impossible. Dans les deux cas, des accusations diffamatoires de diverses « phobies » et des mots à la mode vides de sens tels que « diversité » et « inclusion » sont galvaudés pour faire taire l’opposition.

Pendant ce temps, la pseudo-gauche anti-Lumières s’est, sans surprise également, montrée totalement incapable de nuancer. Au lieu de soutenir uniquement les demandes trans qui sont raisonnables (telles que des soins médicaux de qualité et la non-discrimination), les soi-disant « réveillés » sont devenus fous, approuvant sans réserve la Théorie du genre et embrassant, à fond, même ses conséquences les plus négatives.

Il faut dénoncer ces dérives.


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On Trans Extremism

Is Gender Theory the New Conversion Therapy?

2023-06-19
2023-06-29, addition of a link

The trans movement has been hopelessly corrupted by the anti-Enlightenment pseudo-left and by Gender Theory, leading it in an extremist, irrational direction which is misogynistic and even apparently homophobic.

Sommaire en français
Ce blogue est disponible en français.
Le mouvement trans est irrémédiablement corrompu par la pseudo-gauche anti-Lumières et par la Théorie du genre, l’entraînant dans une direction extrémiste, irrationnelle et misogyne, voire apparemment homophobe.

The current situation has gone on long enough. We must speak out against the insane extremism of the trans movement.

Back in 1972, when I was living in Ottawa and very active in the gay rights organization Gays of Ottawa (which later changed its name to Lesbians and Gays of Ottawa), I met, for the first time, a person whom I knew to be trans. I received the visit of a young female to male transgender person in my apartment in Pestalozzi College. We chatted and discussed for several hours. I no longer remember his name. What I do remember, most vividly, was that the negative attitudes he had to deal with, as transgender, were very similar to those which I, as a gay man, had to face: bigotry based on sexual stereotypes about how men should behave and how women should behave, and woe unto anyone who violated those rules. Having transitioned from one gender to the other, he had violated the “gender-bar”—if I may call it that—in a radical and socially “repugnant” way. Being gay, attracted sexually to other men, I too violated that bar, although in a less visible way. I felt a strong bond of solidarity, despite the different natures of our “transgressions.”

A few years later, living in Vancouver B.C. and active in the Gay Alliance Toward Equality (GATE), I attended an event in Seattle held by the Union of Sexual Minorities (USM). There I witnessed a confrontation whose implications I did not fully grasp at the time but which I was convinced was significant. The event featured a trans woman speaker who, after a certain period of time living as a woman, considered herself fully a woman. However, a group of lesbians in the audience reacted angrily to this. How could someone born male and who had lived most of his life as a man claim to speak as a woman? The event moderator dismissed these concerns on the spot, declaring that the speaker’s viewpoint was a correct feminist position.

Now, half a century later, much has changed. In Canada and in many western countries, being gay is not only accepted, it is now practically in fashion and has been for several years—although draconian homophobic laws and attitudes persist in many other countries (such as some eastern European countries, Muslim-majority countries and parts of Africa). Trans persons are now similarly accepted, although more recently. But there is a problem. An enormous problem.

The Abandonment of Objectivity

In addition to a greater acceptance of sexual minorities, the 21st century has seen the spread of a bizarre political movement—which many call “wokism” but which I prefer to call the anti-Enlightenment pseudo-left, because that is precisely what it is: a movement claiming to be on the political left but which has rejected the very Enlightenment ideals and values which define the political left.

This anti-Enlightenment mentality, greatly influenced by postmodernist philosophy, values personal subjectivity over objectivity, emotion over reason, and has severely distorted many social movements. One particular component of this mentality, known as Gender Theory (GT), has undermined the LGBT (Lesbian-Gay-Bisexual-Trans) movement in particular. Starting from the observation that gender roles—the various ways in which men and women are expected to behave—are socially determined, GT has taken the irrational leap to declaring that sex itself—i.e. being male or female—is also a social construct. This conclusion is patently false, as male and female are distinct biological categories.

Flying in the face of biological reality, gender theorists claim that an individual’s sex is “assigned” at birth. But of course that is nonsense. The newborn baby’s sex is observed, not assigned. The existence of intersex individuals and the concomitant possibility of an erroneous observation—rare phenomena indeed—merely underline the binary nature of sex.

In the words of Project Nettie, a record of scientists, medics and others who assert the material reality of biological sex, “Attempts to recast biological sex as a social construct, which then becomes a matter of chosen individual identity, are wholly ideological, scientifically inaccurate and socially irresponsible.”

Disastrous Consequences

The consequences of this theory have been disastrous. The movement for trans rights once had eminently reasonable goals, such as quality medical supervision for adults suffering from gender dysphoria, helping them to transition if they give informed consent to such transition; and preventing discrimination, in housing and employment, against persons who are transitioning or have transitioned. But more recently, the most vocal trans activists have become extreme in their demands, leading to at least two major problems:

  1. Self-ID: A person is now considered to be of a certain sex on the basis a simple self-declaration. A man can become a woman (or vice versa) by simply saying so. There is no gate-keeper. This is an open door for abuse. It allows heterosexual male predators ready access to female-only spaces. It also allows mediocre male athletes to compete and win easily in women’s sports.
  2. Transitioning Minors: On the basis of so-called “gender affirming care,” teenagers are allowed to start on the path of transition—often involving puberty-blocking medication with possibly dangerous side-effects, and possibly irreversible, sometimes involving surgery which mutilates the body, including the genitals. These persons are minors, too young to give informed consent to such major procedures. Statistics show that (1) if such procedures are delayed for several years, most cases resolve themselves in time and the individual simply grows up to be a homosexual adult without gender dysphoria and (2) the probability that a minor with apparent dysphoria will commit suicide is far less that many trans activists claim.

Less serious, but highly indicative of the absurdity of GT, is the current fashion of declaring one’s pronouns. It would be useful to have a set of neuter pronouns which could be used to refer to persons who prefer not to be labelled male or female for whatever reason. (Existing English neuter pronouns “it” and “its” are inappropriate because they are insulting when applied to persons.) This would allow a person to choose one of three available sets of pronouns: male, female and neuter. However, trans extremists have gone far beyond that idea, expecting individuals to choose custom personal pronouns, which may be unique and differ from all others, and demanding that everyone use those pronouns when addressing that individual (and if they fail or refuse, they will be accused of transphobia). Forcing others to remember and use custom pronouns is narcissistic nonsense.

Men and “Non-men”

These are not the only problems. The refusal to recognize the binarity of sex leads to the erasure of women and sometimes even homosexuals. The word “woman” has begun to disappear, replaced by ridiculous expressions such as “birthing persons” or “non-men.” Incredibly, in an LGBTQ Glossary on the website of John Hopkins University, the word “lesbian” is defined as “A non-man attracted to non-men.” Furthermore, the same glossary contains no definition of the word “sex” but does indeed have an article defining the expression “Sex Assigned at Birth.”

Lesbians who are not interested in having sexual relations with trans women—i.e. biologically male—are being accused of transphobia. Whatever happened to respect for consent? Trans extremists regularly slander critics of Gender Theory in the most atrocious ways, sometimes even calling for their death (“Kill TERFs” where critics of GT are referred to as TERFs = “Trans Exclusionary Radical Feminists”)—in other words, advocating genocide of feminists. And yet, hypocritically, some trans extremists accuse GT critics of promoting genocide of trans persons!

The bottom line is this: trans extremism has become misogynistic and sometimes homophobic. In particular, when “gender affirming care” leads to unnecessary and invasive medical procedures, then in reality it becomes a form of conversion therapy, converting a person who would normally grow up to be homosexual into an ersatz heterosexual. This constitutes medical malpractice and medical child abuse.

This egregious malpractice, based on obvious pseudoscience, has gone on long enough. It must stop. In particular, self-identification must stop and transitioning of minors must be subjected to much stricter medical supervision and perhaps ended completely. Several European countries (e.g. Finland, Sweden, England, etc.) have already taken steps to restrict access to puberty blockers, cross-sex hormones, and surgeries for minors.

One of the most dangerous, but unsurprising, results of trans extremism has been the strengthening of the homophobic (often religious) political right. Faced with outrageous demands which discredit the trans movement, and with it the entire LGBT movement, homophobes are greatly emboldened and empowered. Trans extremists and their allies are themselves responsible in part for the wave of anti-gay and anti-trans legislation which we see in some parts of the USA and in some other countries.

Emotivity Trumps Rationality, Slander Replaces Debate

The extreme irrationality and hysteria displayed by trans extremists and their “allies” is very reminiscent of the hysterical opposition to Quebec’s secularism law, Bill 21, whose supporters are often the targets of preposterous accusations of “racism” (worse than just false, also a category error) and other sins. In both cases—trans extremism and antisecularism—emotivity trumps rationality, making reasoned debate practically impossible. In both cases, defamatory accusations of various “phobias” and vacuous buzzwords such as “diversity” and “inclusion” are used to silence opposition.

Meanwhile, the anti-Enlightenment pseudo-left has, also unsurprisingly, shown itself utterly incapable of nuance. Instead of supporting only those trans demands which are reasonable (such as quality medical care and non-discrimination), the so-called “woke” have gone whole hog, uncritically endorsing Gender Theory and thoroughly embracing even its most negative consequences.

We must speak out against these excesses.


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